Emma jongle avec les coeurs des autres

C'était "la fille d'artistes connus". Puis "la copine de Brad Pitt". Gwyneth Paltrow, qui a littéralement éclaboussé les écrans dans Seven, a mis une bonne dizaine d'années à se débarrasser des parrainages encombrants. Avec Emma, elle joue son premier rôle principal. Un authentique bonheur.
Lors des auditions pour Seven, le réalisateur David Fincher a dit reconnaître en elle une vieille âme: mesurée, sereine, extrêmement intelligente et perspicace. Difficile de le contredire. Douglas McGrath, le réalisateur du film, l'accompagnait lors de l'entretien.

Pourquoi avoir accepté ce "premier film"?
Gwyneth Paltrow: J'ai longtemps refusé des rôles principaux pour pouvoir prendre mon temps, travailler avec des gens intéressants. Je dois ma révélation médiatique à Flesh and Bone, un drame texanm âpre et sordide qui m'a propulsé à la une des magazines et dans la ligne de mire des chasseurs de têtes de Hollywood. Mais à vingt ans, je sentais que je devais mûrir avant de faire le pas décisif. En lisant le scénario d'Emma quelques années plus tard, j'ai flairé une occasion: l'écriture était si brillante, et ce personnage d'Emma si bien écrit…

Douglas McGrath, vous viviez jusqu'à présent de votre plume. Qu'est-ce qui vous a convaincu que vous pourriez diriger un film?
D. MG.: En tant que scénariste, j'ai besoin de visualiser ce que j'écris. A New York, mes voisins doivent me prendre pour un fou dangereux: une fois que j'ai fini un paragraphe, je monte sur une chaise, ou je me roule sur le tapis, et je teste les dialogues et le tempo. La réalisation est un prolongement de ce besoin de concrétiser.

Gwyneth, aimez-vous les livres?
G. P.: Beaucoup. Ces temps-ci, je lis Jane Eyre, Crime and Punishment, Sam Shepard... ça me change des scripts. Les romans de Jane Austen ne m'ont jamais vraiment absorbé. Je les trouvais verbeux.

C'est ce que les jeunes Américains reprochent au film: ils le trouvent bavard.
G. P.: Dommage. Ça reflète ce que les jeunes lisent aujourd'hui: plus rien de consistant. Ils ne sont plus habitués au type de réflexion que la littérature exige.

Engager une actrice américaine a du vous poser quelques problèmes.
D. MG.: J'avais des vues sur des actrices qui auraient pu jouer Emma, mais elle étaient toutes un peu âgées. Gwyneth avait l'âge juste, c'est une excellente actrice, et son travail sur son accent est irréprochable. Seuls les Anglais nous en voulaient un peu.

Le film est centré sur les ragots, et leurs conséquences. Aujourd'hui, vous êtes le sujet de beaucoup de ragots à Hollywood et dans le monde.
G. P.: C'est très révélateur sur nous-mêmes. 200 ans plus tard, le ragot est devenu une industrie. Ces jours-ci, la presse m'encense, mais l'essentiel est de ne pas y croire. Parce que le vent tourne.

Douglas, vos projets?
Un scénario situé dans les années 50, que j'espère réaliser. Je ne peux plus concevoir d'abandonner un script à quelqu'un d'autre. Si je devais choisir entre écrire et réaliser, je choisirais sans hésiter "écrireetréaliser" (writeanddirect)!

Interview
Pascal Montjovent