Cet article fait partie d'une collection d'enquêtes/interviews/chroniques de Pascal Montjovent parues dans divers médias et réunies ici suite à une demande "populaire".
Le sommaire se trouve ici: sommaire.

 

Et pourquoi pas le Sahara
(à dos de dromadaire)?

 


Ça a commencé par une soudaine envie de vide. De silence. Loin des stridulations des portables, des bips, des ordinateurs, des infos, du trafic, du radio-réveil et des pubs pour dentifrice. J’entends certains d’entre vous me suggérer la plage, mais les radios, les marmots et les vendeurs de pistaches grillées ne facilitent pas l’accession à la paix intérieure. Or quoi de plus vide que le désert? Encore faut-il bien le choisir. Mon petit doigt et mes amis m’ayant suggéré la Tunisie, j’achète un billet pour Tozeur, l’une des toutes dernières oasis avant le Sahara.
En faisant mes bagages, je commence par “oublier” mon assistant digital personnel, mon double électronique truffé d’adresses et de rendez-vous que je croyais indispensable. Puis je saute dans le premier avion pour Tunis. Le reste du voyage sera un subtil et irrésistible glissement vers la sérénité.

le Café des Dunes

Après Tunis la surpeuplée, Tozeur la voluptueuse offre ses charmes langoureux à n’importe quel touriste en mal d’exotisme: palmeraie opulente et démesurée, dates exquises et hammams accueillants. Mais il m’en faut plus. Ou plutôt moins.
Je m’engouffre dans un “louage”, un taxi local, pour un trajet de vingt-cinq minutes vers l’oasis de Nefta où je pénètre dans le lobby surdimensionné du Caravanserail, un quatre étoiles abritant moult touristes ventripotents qui jouent toute la sainte journée au bridge autour de la piscine. Le soir même, un “louage” me mène au Café des Dunes, à 10 kilomètres de Nefta. C’est un petit camp berbère qui vend du Coca et loue des dromadaires. Un quart d’heure sur l’une de ces bestioles m’amène en haut d’une dune. Baigné par la lumière sanguine du soleil couchant, je goûte mes premiers instants de quiétude. Une minute plus tard, des bruits sourds approchent, et cinq véhicules tout-terrain vrombissent autour de moi. Clac les portières. Clic les appareils photos. Tchin, l’apéro est servi. Tout autour, les ventripotents fixent l’horizon trente secondes avec un air pénétré puis ne savent plus quoi faire. Ils se ruent dans leurs 4x4 climatisés. Clac les portières. Vroum. Nuages de sable. Silence. Le jeune chamelier me regarde, l’air navré. Dégoûté, je me jure de quitter l’hôtel le lendemain, et de partir pour le vrai Sahara.

Ali

De retour au Café des Dunes, je me renseigne. Un homme d’une cinquantaine d’années, le port altier et le visage noble, semble séduit par mon enthousiasme pour le désert. Il s’appelle Ali Ben Sahaid, il est né et a grandi dans cette immensité en gardant des troupeaux, et semble connaître chaque dune par son petit nom. Le feeling passe bien: c’est entendu, nous partirons pour plus d’une semaine. Nous serons trois: Ali, son dromadaire et moi.
Comme de bien entendu, un voyage dans le désert est aussi un voyage en soi-même. Ballotté sur la bosse du paisible mammifère des sables, dans l’impressionnant silence saharien, n’importe quel humanoide “recentre ses chacras”, pour emprunter une expression adéquate. Le ballottement de l’animal finissant par écoeurer, nous continuons le chemin à pied. Aussi étonnant que cela puisse paraître, rien n’est lassant dans cette immensité de sable blond et roux pour celui qui laisse ses sens en éveil. Plusieurs jours de marche n’arrivent pas au bout de ma capacité d’émerveillement. Ali a apporté des fruits et des légumes frais, qu’il transforme à chaque repas en délices rassasiants. A la moindre occasion, il confectionne le fameux pain berbère (qui cuit dans le sable chaud) et un thé à la menthe qui vous arrache des soupirs d’aise. Le dromadaire transporte sans broncher deux énormes jerricans d’eau qui nous rendent autonomes plusieurs jours d’affilée, y compris pour la toilette. Sommaire, la toilette, mais moins nécessaire que dans nos villes polluées. Le tout est de ne pas attraper la tourista, et Ali veille sur ma santé comme un père. Avoir la courante dans le désert n’est pas une mince affaire.

Nuits berbères

Les nuits berbères sont magiques. Ecouter Ali parler arabe et chanter avec ses amis bergers rencontrés par hasard sous la Lune, boire avec eux du lait de chamelle en contemplant les étoiles, allongé dans du sable tiède, c’est ce qui se rapproche le plus de mon idée du bonheur. Au cours d’une de ces nuits, une tempête silencieuse se déclare à l’horizon, se rapproche et nous submerge d’éclairs mauves, jaunes et verts, à raison de deux éclairs par seconde, toujours sans aucun bruit. Il pleut un peu, mais pas assez pour faire fleurir le désert, regrette Ali. Le désert fleuri? Ce sera pour la prochaine fois.

Pascal Montjovent


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Si vous n’aimez pas le sable…

L’idée de passer une semaine dans du sable vous épouvante? Qu’à cela ne tienne: le sud tunisien regorge de lieux aussi superbes qu’insolites.
Les gorges de Mides, un canyon sinueux et ombragé, a servi de décor au film Le Patient anglais et se parcourt facilement à pied. Le lézard rouge, un petit tortillard antique restauré, vous promène dans les gorges de Metlaoui. A Tamerza, vous vous devez de passer une nuit au Tamerza Palace. Leurs barbecues sont dyonisiaques. Depuis Tozeur, vous avez la possibilité de survoler le désert en ballon à air chaud. Ou vous promener dans Ouled el-Hadef, la mystérieuse vieille ville labyrinthique construite au quatorzième siècle.
Dans le désert, que vous pouvez aussi parcourir en 4x4 climatisé avec la stéréo à fond, les paysages changent rapidement: rocailles, dunes, plaines salées, mirages, vraies oasis. En dépit des apparences, certains endroits sont plus connus que d’autres: Chott el Jerid vaut une longue promenade, tout comme Chott el Gharsa, où George Lucas a fait construire le décor du dernier épisode de Star Wars. Un ami d’Ali veille sur le site, laissé à l’abandon entre deux tournages. Vous pouvez en voir un aperçu sur internet, à l’adresse ci-dessous.
A propos d’internet: l’office de tourisme de Tunisie a mis sur pied un site web honorable, qui vaut une visite.

PM
je vous recommande ce site si vous souhaitez vivre une belle expérience saharienne (testé avec des amis, un superbe voyage dans le sud libyen, dans le désert de l'Akakouss)
http://www.best-sahara-tours.com

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encadré pratique

Le Sahara en dromadaire
- Depuis Nefta: En bon Berbère, Ali Ben Sahaid n’a pas le téléphone. Il est joignable par l’hôtel Neptus, à Nefta. Tél.: 00216 6 430 441, fax 00216 6 430 647.
L’hôtel Neptus offre par ailleurs un bon rapport qualité/prix.
- Depuis Douz: rejoignez Zaffrane, à 12 kilomètres de Douz. Vous pourrez également descendre les dunes à skis.
Le Sahara en ballon à air chaud
A Tozeur, demander l’Aéroasis club.
L’hôtel Continental de Tozeur est recommandé. Tél.: 00216 6 450 411, fax 00216 6 452 109
Tamerza: le Tamerza Palace, tél.: 00216 6 453 722, fax: 00216 6 453 845
Agence de voyages spécialisée sur la Tunisie

Air Marin, 9 rue de Berne, Genève, tél.: 022 906 18 00 demander Mlle Chabbey
Office du tourisme de Tunisie, bureau suisse: 01 211 48 30

Climat: saison des pluies d’octobre à mai. Le désert fleurit au printemps.
Monnaie: 100 francs suisses font 80 dinars tunisiens. Il est interdit d’exporter les dinars. Lorsque vous changez vos francs, gardez bien le reçu qui sera exigé au change de l’aéroport, lors de votre départ.

Tordons enfin rapidement le cou à trois mythes:
- en dehors des oasis et des lieux humides, point de scorpion ni de serpent.
- le soleil saharien n’a pas l’air aussi chaud que le soleil genevois.
- il ne fait pas toujours froid la nuit dans le Sahara. Une fine pellicule nuageuse joue parfois le rôle de couvercle et garde la chaleur au sol.

PM

 

 

décor de Star Wars, Chott el Gharsa

 

 

palmeraie

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