Cet article fait partie d'une collection d'enquêtes/interviews/chroniques de Pascal Montjovent parues dans divers médias et réunies ici suite à une demande "populaire".
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A la poursuite du saucisson au fenouil


Laissez-moi vous raconter quelques épisodes de ma trépidante petite vie de Terrien. Ma vie « offline », la vraie, comme disent les anciens. Il se trouve que j’ai dégusté à Lugano dans un resto italien un saucisson qui m’a laissé pantois. C’est bien simple : je devais ressembler au loup de Tex Avery juste après une vision révélatrice. Pour le loup, c’était une bimbo délurée. Pour moi, la Finocchiona. Remarquez, je ne me rappelais plus du nom de cette spécialité. Le personnel italien ne maniait pas le français aussi bien que les poêles antiadhésives. Rentré au bercail, j’interrogeais tous mes amis italiens sur cette mystérieuse comète gustative qui était apparue dans le ciel de mes papilles :


« Connais-tu une spécialité de charcuterie toscane qui contient des graines de fenouil ? »
« Des graines de fenouil ? » Sourire goguenard, parfois apitoyé.


Même mon restaurateur favori, le fameux Christophe de La Croisette aux Eaux-Vives, a fait semblant de réfléchir quelques secondes au problème. Puis a jeté l’éponge.
Mais moi je riais sous cape. Parce qu’entretemps, j’étais allé faire un tour sur le web. Dans le moteur de recherche Google j’avais entré les mots « saucisson » et « fenouil » et quelques dixièmes de secondes après, je poussais un tonitruant cri de victoire : mais bon sang mais c’est bien sûr : la Finocchiona.


L’étape suivante était bien sûr d’en acheter « online » et là ça s’est corsé de quelques crans. Après avoir écrit au webmaster d’un obscurissime site italien que son serveur ne tournait pas rond mais que je voulais lui commander une demi-douzaine de « Fino » (deux semaines plus tard j’attends toujours sa réponse) j’ai fini par dégoter la perle rare, en passant par divers moteurs de recherche dont l’excellent Vivisimo, qui vous classe les résultats par thèmes. Le site Esperya sortait du lot, et m’a rapidement conquis. Non seulement il propose de la Fino, mais en sus il explique comment elle est fabriquée, et à partir de quelle viande. En l’occurrence elle provient de porcs heureux de la race des Cinta Senese Falorni.
La homepage du site contient même un savoureux exemple du sens du commerce des Italiens : le colis du sceptique. Une série de pages vite lues destinées au client potentiel qui n’ose pas passer à la caisse sur un site inconnu. Et là c’est gagné, ils m’ont complètement baratiné, je me laisse faire par tant de bagout. Je commande. 400 grammes à 20 francs suisses, c’est pas donné, mais de la Finocchiona Cinta Senese Falorni ça ne s’achète pas non plus au coin de la rue.
En parlant du coin de la rue, j’ai quand même trouvé du saucifflard au fenouil à Genève, dans une petite épicerie italienne de la rue des Pâquis. Il fallait voir les yeux du commerçant lorsque je lui ai demandé de la Fino : embués de larmes de joie. Après s’être bruyamment mouché (bon d’accord je dramatise un chouia) il m’a sorti un vieux bout de charcuterie de sous une pile, tout en regrettant que personne ici ne connaisse cette divine délicatesse.
Il faut bien avouer que le parfum des graines de fenouil de son triste bout de victuaille s’était évaporé depuis longtemps, et que la chose ne rappelait la vraie Finocchiona que de très loin. Autant alors acheter la vraie en quelques minutes par internet. Elle m’est arrivée par DHL en 24 heures - j’ai dû recourir à une adresse de livraison en France voisine parce qu’ils ne livrent en principe pas en Suisse, mais c’est à vérifier : en Italie, tout peut s’arranger entre gens de bonne composition. D’autant plus que le très affable Gabriel vous rappelle si vous lui laissez un mot sur le site. Mieux, ce serait trop.


Pascal Montjovent


astuce
Celles que le mot saucisson fait fuir en courant peuvent toujours mâchonner des branches de fenouil bio tout en allant faire un tour sur un site très intéressant consacré au cinéma alternatif, loin de la planète des singes et près de Wenders ou de cinéastes qui prennent encore la peine de raconter intelligemment de belles histoires.

www.cadrage.net

www.google.com
www.vivisimo.com
http://www.esperya.com/france/