Dans la phase pré-adolescente quil traverse actuellement, internet exsude à tous les niveaux un amateurisme bon enfant: de lorthographe chancelante aux liens qui aboutissent à une impasse, du graphisme plus quapproximatif au référencement aléatoire dans les moteurs de recherche, le web vu doiseau ressemble à une fourmilière quelques instants après quun malotru y ait donné un grand coup de pied. Passe encore si le phénomène ne touchait que les sites des particuliers, mais les PME figurent au premier rang des accusés.
La présence crédible dune entreprise sur le web dépend encore trop de la familiarité de son directeur ou dun employé avec la Grande Toile. La librairie Reymond de Lausanne doit par exemple beaucoup à un employé, Cédric Schwarz (assisté de Pierre Klamdy, ingénieur informaticien), qui ont mis au point le site de vente virtuel du magasin, plutôt réussi. Une expérience qui, à défaut dêtre très rentable, accroît de beaucoup la notoriété de la librairie et la positionne comme pionnière dans ce domaine. Sans une impulsion personnelle - le plus souvent bénévole - la présence online dune entreprise doit encore beaucoup au hasard. Il est ainsi fréquent de découvrir quune grosse PME a confié son site web au fils de lun de ses cadres, passionné dinformatique et amateur de logos tourbillonnants. Et ceci avec ou sans la bénédiction des responsables de la communication.
Nous sommes dans une phase de pré-assainissement du marché, confirme Clément Colliard de Nodus, spécialisé dans le référencement professionel de sites dans les moteurs de recherche. Dun côté les agences de webdesign pulullent (elles se comptent par milliers), de lautre seuls treize pourcent des entreprises suisses ont un site. La marge de progression et dajustement est considérable.
Le choix dune stratégie internet semble ainsi dépendre de la foi, et non de la logique commerciale.
A ce titre, lexemple paradoxal damazon.com, le plus grand magasin du web, suscite deux types de réactions. Les enthousiastes sextasient devant son ascension à Wall Street, les sceptiques rappellent que la société na jamais fait un cent de bénéfice. Le commerce le plus en vue dinternet, cité par tous les internautes comme un exemple de respect du client et de service impeccable, fournit ainsi aux détracteurs des arguments cinglants. Ce qui pousse les dirigeants dentreprises à confondre site web et magasin online, et à bouder lun en snobant lautre. Comment expliquer sinon la frilosité helvétique? La moitié des grands patrons romands, selon une récente étude de Pricewaterhouse Coopers, ne croit pas ou peu au web pour attirer de nouveaux clients. Soixante-huit pourcent avouent leur manque dintérêt pour ce nouveau média.
Cette méconnaissance des enjeux stratégiques de communication risque de porter des mauvais coups aux mécréants du Net. Parce que sur internet, lexpérience nord-américaine le prouve, les premiers arrivés occupent le terrain le plus lucratif à moyen terme. Si amazon ne génère aucun profit, cest parce quelle fait le choix de réinvestir chaque dollar pour améliorer ses prestations. Mais Dell ou CD Now, dautres tenants du commerce électronique, sont largement bénéficiaires.
Cela dit, rien nexcuse linsigne pauvreté graphique et navigationnelle de lécrasante majorité des vitrines virtuelles corporate des entreprises européennes. Elles se contentent pour la plupart dafficher leurs rapports annuels au kilomètre, conscientes sans doute de lincompatibilité totale avec le média web, mais trop paresseuses pour améliorer leur image de marque online. On ne peut pas se plaindre de ne rien vendre ou de nattirer aucu visiteur sur un site alors que son contenu est lamentable, assène Clément Colliard. Cest pourtant lattitude dune majorité de PME. Les conclusions tirées dune première expérience sur le web sont souvent négatives, mais les moyens mis en oeuvre au départ sont insignifiants. Dans le monde réel, une plaquette dentreprise bâclée ne provoquerait sans doute aucun résultat, et personne ne sen étonnerait. Il en va de même sur internet: la fin justifie les moyens.
Cest également la gabegie au chapitre du référencement dans les moteurs de recherche, cette phase cruciale au cours de laquelle il sagit de courtiser les robots fouineurs de la grande toile pour quils viennent renifler les mots-clefs du site et les mémoriser. Lors dune enquête parue dans le webdo mag, nous avions trouvé quune obscure confiserie chocolats de Neuchâtel était mieux référencée que Lindt, et attirait ainsi davantage de clients américains ou japonais, qui cherchaient les mots fine swiss chocolates sur Altavista, le plus gros moteur du web. Actuellement, cest la confiserie genevoise Arn qui apparaît le plus souvent dans les résultats. Le site, lancé en juillet 98, est le fruit du travail acharné du patron, qui a eu la sagesse de sappuyer les services dun professionnel. Passionné comme il se doit par internet, Monsieur Arn ne souhaite pas forcément augmenter son chiffre daffaires: Dans un premier temps, il sagissait surtout dêtre présent sur internet. Jai confié la réalisation des quatre ou cinq premières pages à un pro, mais je me charge de lentretien et de la mise à jour. Les résultats, en terme de fréquentation, ne se sont pas fait attendre: Nous recevons entre 170 et 250 visites par jour. La moitié des internautes sont suisses, et parmi les étrangers figurent sept pourcent de Japonais. Monsieur Arn juge lexpérience satisfaisante. Même si les ventes réelles sont marginales, le signal que nous envoyons à nos clients, à savoir notre souci dévolution et de communication, nous semble primordial.
Pascal Montjovent
www.chocolates.ch
www.nodus.ch
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Encadré
A quoi reconnaît-on lamateursime dune société de création de sites web? A son site web, précisément. Le webdesigner qui ne peut pas donner dexemples de sites quil a conçu doit éveiller votre méfiance. Soit il na rien à montrer, soit il a honte de ce quil a créé confie Clément Colliard de Nodus.ch, qui passe en moyenne six heures par jour sur internet.
- Un autre critère important est le langage utilisé, qui doit être en adéquation avec vos attentes. Si vous avez deux cent francs en poche et que vous cherchez une montre, vous vous sentirez mal à laise chez Beaume et Mercier. De même, le patron dune boulangerie serait perdu sur le site de xo3.com, une société genevoise qui propose un système révolutionnaire dorganisation de linformation basé sur la neuroscience. A lopposé, un patron qui cherche lintégration dune base de données clients à son futur site interactif ne se sentira aucune affinité avec un webdesigner de seize ans qui tapisse son site danimations new age et de cool intempestifs.
- Le graphisme est également un indicateur précis de lexpertise de la société de webdesign. Tapageur, il signale un débutant enthousiaste. Harmonieux et discret, une société déjà installée. Sur le web, la palette va des sites purement informationnels aux sites uniquement esthétiques. Si lon caricature un peu, les graphistes préfèret les fonds sombres, alors que les fonds clairs signalent une priorité informationnelle. A vous de choisir votre camp.
- La création dun site nest de loin pas suffisante pour exister sur internet. Les webdesigners qui négligent le référencement sont dauthentiques amateurs.
- Les pages moisies devraient vous faire détaler. Le web est un média vivant, et les pages dactualités qui datent de deux mois signalent du laisser-aller.
Pour être tout à fait juste, il faut admettre que certaines sociétés soccupent si bien de leurs clients quelles négligent leur propre site. Ladage le cordonnier est toujours le plus mal chaussé a son pendant sur le web.
En cas de doute, faites un petit tour sur autoweb.net, qui a fait de laudit de sites web sa spécialité.
PM
www.xo3.com
www.autoweb.net