Commerce online: les Suisses sur les starting-blocs

Un séisme de forte magnitude est en train de modifier en profondeur le paysage jusqu’ici très paisible de la consommation helvétique. Longtemps à la traîne de l’Europe dans le domaine du commerce électronique, la Suisse voit soudain exploser l’offre de sites qui entendent bien ne plus se limiter à étaler leur catalogue online. Il s’agit bien de vendre des produits de grande consommation, sans autre intermédiaire que le facteur.
Les géants Jelmoli, Fust, Migros et quelques autres déploient soudain toutes leurs forces sur le marché virtuel, concurrencés par diverses initiatives téméraires comme celle du Shop, première épicerie online de Suisse - si ce n’est d’Europe.

“ Je déteste faire les courses dans les magasins. C’est très loin de mon idée du bonheur. Ce site, je l’ai d’abord fait pour moi. ” Dans ses bureaux de Coppet, le directeur Alain Nicod et son équipe du Shop sont passés en sept mois d’une “ vision ” à une affaire dont seul l’avenir pourra dire si elle tourne.
S’il convient de parler de vision, c’est que dans le domaine du commerce électronique sur internet, le rationnel ne joue qu’un rôle mineur: on y croit ou l’on n’y croit pas, chaque camp se référant à des analyses irréfutables. Une chose est certaine: une expérience préalable de la vente en magasin n’est pas déterminante. Amazon, CD Now ou NetGrocer n’ont jamais existé autrement qu’online.

Jelmoli voit grand

Parmi les grands distributeurs les plus enthousiastes, le groupe Jelmoli prépare une offensive de taille. Déjà présent depuis trois ans avec le site Imholz (voyages), le groupe mitonne un site pour Fust (électroménager), un autre pour Portable Shop (ordinateurs portables, acquis il y a un mois), et un troisième pour lui-même, en tant que maison-mère. Les payements pourront se faire par carte de crédit, sur facture ou par la carte Jelmoli, que les sites vont promouvoir énergiquement. Jelmoli Zurich aura sa propre homepage. “ Je crois beaucoup au commerce sur internet ” déclare Hans-Peter Steffen, directeur de l’organisation informatique de Jelmoli. “ Pour l’instant, les sites sont plutôt conçus pour donner envie aux gens de se rendre dans les magasins. Nous ne visons pas une rentabilité immédiate. Mais dans quelques années, les familles feront leurs achats chez elles, devant la télévision, et l’infrastructure de livraison rapide se sera développée en conséquence. Dans un premier temps, nous viserons la ménagère suisse, puis nous élargirons à l’extra-territorial. ” Ruedi Baer, chef marketing chez Fust, prévoit le lancement du site pour l’été 98. “ On n’a pas voulu précipiter les choses et ouvrir un site encore en construction. En attendant, on prépare le terrain. Internet est encore marginal, mais c’est une marge qui commence à compter: 11% des consommateurs zurichois sont déjà branchés. ”

Migros avance masqué

De son côté, Migros lancera dans le courant du printemps un site de vente directe, après avoir longtemps préféré afficher des pages catalogues informatives. “ Nous testons actuellement les collaborations envisagées avec la Poste et IBM notamment ” révèle Karin Hartmann, responsable du marketing électronique. “ Le site proposera 1300 articles, dont 60 à 70 % d’alimentaire, y compris des produits frais. Nous devons pouvoir compter sur une livraison le jour-même. Le système est mis à l’épreuve par nos 2000 collaborateurs, qui se font livrer à des endroits prédéfinis des articles de leur choix. Nous sommes en pleine phase de compilation d’informations. ” Rien en revanche sur la stratégie web du groupe à moyen terme: “ La concurrence est actuellement féroce. Nous préférons avancer prudemment. ”

Le Shop joue les trublions

Parmi ces concurrents attentifs figure Le Shop, que tout le monde semble attendre au tournant. Le pari semble fou, mais après tout pourquoi pas? Sans aucune expérience de la grande distribution ni de la vente online, Alain Nicod propose aux Suisses en grande première une formule qui a fait ses preuves outre-atlantique: l’épicerie online. Comment a-t-il sélectionné son offre de 1800 produits? “ J’ai envoyé des étudiants noter scrupuleusement tout l’assortiment des grands magasins suisses ” avoue-t-il en souriant. “ Je dispose de quelques avantages majeurs sur un géant de la distribution. D’abord, les prix des articles de la Migros par exemple changent en fonction des régions. Il va leur falloir revoir leur politique de prix. Ensuite, Le Shop part de zéro, ce qui me laisse une grande marge de manoeuvre, une bonne capacité d’ajustement à la demande. Enfin, le réseau informatique des grands distributeurs est dispersé dans toute la Suisse. Nous avons tout sur un UNIX. ”
Un ordinateur qui contient la description exacte (et la photo) de chaque produit et qui propose au visiteur douze catégories et mille sous-catégories de produits allant du lait au champoing, en passant par le café et les aliments pour animaux. L’une des rubriques, Bureau, est conçue pour faciliter la vie des secrétaires. “ Nous visons une clientèle de gens pressés, qui rechignent à l’idée de poirauter aux caisses des supermarchés. C’est vrai qu’il a beaucoup de choses plus intéressantes à faire dans la vie. ”
Question marketing, tout est prévu: “ Nous arrosons copieusement les sites suisses de bannières de publicité. Mais le système a déjà fait parler de lui avant son démarrage online: on veut nous acheter la formule à l’étranger. ”
Tout comme Migros, Le Shop a su rallier La Poste à son projet, un avantage déterminant. “ Nos bureaux sont à Coppet, mais la marchandise est stockée à la gare de Sébeillon à Lausanne qui fut, ironie du sort, un ancien entrepôt de Migros. Les facteurs apportent les courses dans des Dispobox, de grandes caisses jaunes en plastique recyclable. Le port coûte 9 francs, et les articles afficheront les mêmes prix qu’en magasin. ”
Les achats se règlent par carte de crédit, et non par facture. “ Pour éviter les mauvaises blagues. Vous pourriez recevoir un jour 800 rouleaux de papier hygiénique sans rien avoir commandé. Aux Etats-Unis, les “ fake orders ” atteignent parfois les 40%.”
Le visiteur du Shop est pris en mains par Max, son assistant-shopper, qui traque ses habitudes au fur et à mesure de ses déambulations dans les couloirs virtuels, ce qui lui simplifiera ses courses à l’avenir: Max lui proposera des listes de commissions personnalisées. La protection des données est dès lors essentielle. “ Max enregistre les préférence de navigation et de consommation de chaque visiteur, mais aucune de ces données ne sort d’ici. Nous avons fait signer à toute l’équipe un code éthique en ce sens. Vendre cette liste, ou l’utiliser à d’autres fins, serait nous condamnr à mort. Notez de plus que vous pouvez à tout moment envoyer Max au lit. Nous ne voulons pas être intrusifs. ”
“ Le commerce online, lorsqu’il est bien compris, réinstaure le service à l’ancienne. Jadis, l’épicier du coin appelait vos grands-parents par leur nom et leur demandait des nouvelles de leurs enfants. Ce type de relation “ one-to-one ”, qui a disparu avec les grandes surfaces, est en train de renaître grâce à des sites comme le nôtre. Il s’agit d’établir une relation de confiance qui nous permettra, à l’avenir, de vendre des produits sensibles comme la viande, par exemple. ”

Coop dans l’expectative

Tout le monde ne se lance pas avec autant d’entrain sur le Net. Karl Weisskopf, porte-parole de la Coop, ne croit pas à la distribution d’aliments frais par le Web. “ Je cuisine volontiers, et le choix des ingrédients est pour moi primordial. Comme des milliers de consommateurs, j’aime pouvoir sentir et toucher les aliments que je me propose d’acheter. C’est ici qu’à mon avis le bât blesse: un écran ne peut pas restituer l’expérience d’un achat en magasin. Coop étant spécialisé dans l’alimentaire, nous trouverions dommage de ne pas pouvoir l’offrir sur internet. Nous préférons donc, pour l’instant, nous abstenir de toute vente directe online. Coop suisse centrale vend des vins, sur www.vinace.ch , mais ça restera une exception. De plus, la nourriture pose des problèmes de logistique complexes dès lors qu’il faut la livrer, en fonction des quatre températures possibles: surgelés, frais, ambiant et chaud. C’est un véritable casse-tête. Coop est proche des gens de par ses magasins, et entend le rester. Internet nous sert surtout à communiquer notre philosophie et à informer les consommateurs. ”
Les fabricants/distributeurs qui se contentent d’afficher leur catalogue sur le Net en attendant des jours meilleurs sont légion. Les plus subtils offrent des conseils, comme Pfister qui donne des recettes anti-taches. Les autres jouent la sophistication, comme Manor, qui cache sous pas mal de technologie une vitrine un peu chétive. Qu’en est-il du magasin virtuel, jadis abrité par Edicom? “ C’était une expérience-pilote ”, nous confie Valentin Luthi, RP du groupe. “ Elle a duré deux mois, et a permi de confirmer une statistique européenne connue: pour les sites au rayon d’action strictement national, le rapport client/visiteurs est de 1/1000. Pour l’instant, nous nous retirons du secteur. Aucune autre tentative n’est prévue à l’heure actuelle. ”

Parmi les autres attentistes du web figurent Globus et Denner - pour des raisons différentes. Brigitte Buff de Globus parle d’un vague projet de site, mais pas avant une année. “ L’atmosphère du point de vente, le contact avec le personnel, la faculté de pouvoir toucher les articles est une spécificité de notre marketing. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’internet n’est pas une priorité pour nous. ” De son côté, Peter Christen du service de presse de Denner révèle qu’au début de l’année, Denner a constitué une équipe chargée d’examiner l’opportunité de l’entrée de la marque sur internet. “ Une homepage Denner est prévue, qui indiquerait les promotions et donnerait des informations sur les activités juridiques et politiques de la maison. Mais la vente de produits online est hors de question, étant donné notre mission de hard discounter. ”


Veillon ricane

Dans le camp des adversaires déclarés du commerce online figure, contre toute attente, le géant suisse de la vente par correspondance: Veillon. Denis Jenny, responsable de la réalisation des supports marketing clients, s’en explique: “ Aux Etats-Unis, un pays de plusieurs centaines de millions de consommateurs réunis par une seule langue et une seule monnaie, la vente électronique a un potentiel intéressant. Pas en Europe, limitée par des frontières étriquées, de nombreuses devises et d’innombrables langues. J’ai lu qu’il y a 400’000 personnes connectées en Suisse. Or, à ma connaissance, il n’y a pas un seul site rentable dans ce pays. Personne ne peut me présenter un client régulier sur le web. C’est le problème des sites actuels. Ils sont conçus avant même que soit posée la question pourtant cruciale: y a-t-il un client au bout du fil? Notre clientèle cible, la mère de famille entre 25 et 55 ans, n’est pas branchée. Faire un site alibi, c’est facile. Nous cherchons un concept marketing, et ce que nous voyons aujourd’hui ne nous satisfait pas. ”

“ Comprenez que la mode, qui remplit les deux-tiers de notre catalogue, repose sur des mécanismes de type coup de foudre. Difficile de provoquer ce genre de réaction devant un écran d’ordinateur qui affiche des images en basse résolution. Nos collègues français de La Redoute s’en rendent compte (voir encadré à l’étranger). Nous attendons l’arrivée de nouvelles technologies, qui accéléreront la consultation d’images de très bonne qualité. Et encore, la partie ne sera pas jouée. Parce que construire un site coûte très cher. J’ai entendu des chiffres de l’ordre du million par année, ce qui est exorbitant. ”

“ Archifaux ”, s’insurge Eric Bohli, responsable de l’ “ Electronic Selling ” chez Furrer & Partner, auteurs de l’étonnant website de la Smart. “ Nous fabriquons des sites dès 5000 francs. Tout dépend des attentes: l’investissement de départ est fonction du bénéfice escompté. Nous pratiquons ce qui s’appelle le “ staged delivery ”, la livraison par étapes. Tous les modules prévus entrent peu à peu en action, au fur et à mesure de la complétion du site. Le visiteur a l’impression d’un site fini, mais à l’arrière nous travaillons sur d’autres fonctions qui apparaîtront plus tard. Cette activation par phases autorise une croissance constante et ordonnée. ”

les obstacles à la rentabilité

Eric Bohli estime que le problème de la rentabilité des commerces sur internet est mal posé. “ IBM a calculé qu’une transaction sur le web est dix fois moins coûteuse que par téléphone ou fax. L’un de mes clients fait 10% de son chiffre d’affaires sur le Net. Un hôtelier d’Arosa m’a appris que le simple fait d’avoir une homepage lui valait des clients du monde entier: ils cherchent les mots arosa, hôtel et suisse, et ils tombent sur son site. A mon sens, internet est un complément idéal à la communication d’une entreprise. ”

En réponse à un article défaitiste paru dans Cash sur la rentabilité du commerce électronique, Eric Bohli a dressé une liste des principaux obstacles à la rentabilité des sites suisses:
1. Pas d’intégration d’internet dans le concept marketing global. Ces firmes dépensent des millions en communication imprimée et/ou télévisée, mais “ oublient ” complètement internet.
2. Pas de statut dans l’organisation. Les responsables internet sont souvent des chefs du secteur informatique, qui ont un sourire fatigué lorsqu’on leur parle du budget du site. La culture internet des chefs du marketing ne dépasse souvent pas le niveau débutant.
3. Aucune intégration des données. Les coordonnées que les internautes laissent sur un site ne sont pas intégrées dans la liste des clients traditionnels. Ce serait pourtant une formidable occasion de ciblage précis de l’offre.
4. Les agences de pub ne sont pas intéressées. Parce que leur rôle est bousculé par ce nouveau média. Internet permet de réaliser des promotions massives pour un budget restreint. Ce qui signifie plus de travail et moins de marge.
5. La majorité des sites ne propose même pas une possibilité de commande online. Ou alors la cache sous des noms de rubriques très peu évocateurs. Ils se contentent de mettre online leur documentation écrite. Les plus téméraires organisent un petit concours. Et se lamentent ensuite sur la rentabilité zéro de leur site.

Les arguments des uns et des autres se valent sans doute. La différence réside surtout dans l’appréciation du futur. Les opposants sont en général soucieux d’une rentabilité immédiate, une exigeance que personne ne formule pour le commerce dans le monde physique, auquel on accorde quelques années pour passer dans les chiffres noirs.
Les exaltés parient sur les cinq prochaines années, et les imaginent très différentes de notre quotidien. Pour eux, la révolution internet ne s’arrête pas ici. Elle va bouleverser de fond en comble nos modes de vie.

Pascal Montjovent

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Encadré principal:

Les précurseurs

En dehors des géants de la distribution, le PME suisses sont nombreuses à parier sur le web.

fleurs
Fleurop suisse est ravie de son site. Son directeur, Andreas Lehner, annonce fièrement 5000 bouquets vendus online en 1997, et prévoit d’ores et déjà le double pour cette année. “ Notre site a ouvert en mars 1996, ce qui fait de nous des pionniers. Deux ans plus tard, il est rentable. Notre avantage, c’est une marque internationale, représentée par 54’000 magasins de par le monde. La concurrence du Florissimail de Migros? Stimulante. Nous ne sommes pas inquiets. ” Ces bonnes nouvelles ne semblent pas avoir été propagées avec fracas au sein de l’entreprise. L’un des cadres (dont nous tairons l’identité) ne connaissait pas l’adresse du site. Elle est pourtant simple: www.fleurop.ch .
CD
Planète Laser est une autre “ success story ”. Basé à Echallens, ce commerce a débuté sur internet. “ L’investissement de départ? 4000 francs ”, se souvient Stéphane Martinez. “ Aujourd’hui, le chiffre d’affaires mensuel tourne autour de 12 à 15’000 francs. Je travaille à la maison, où une pièce est réservée au stock de titres les plus demandés. Le reste arrive en 24 heures. Actuellement, on croule sous les commandes, qui proviennent principalement de l’étranger. Des Américains qui cherchent Goldman ou Sardou, introuvables sur leur territoire. A 27.90 Fr. le CD, je suis concurrentiel par rapport à la France. Mes projets? Agrandir et automatiser le site, en collaboration avec Blue Window, pour en faire une sorte de CD Now - ce qui représente un investissement de 60’000 francs, et deux mois de travail. Malgré leurs slogans enthousiastes, les grandes banque rechignent. Ce genre de commerce, impalpable, les désécurise complètement. ”
livres
Depuis décembre 1995, la librairie Reymond de Neuchâtel propose 300’000 ouvrages de langue française sur ses rayonnages virtuels. A l’époque, il fallait être mordu pour créer un pareil site. C’était le cas de Cédric Schwarz (assisté de Pierre Klamdy, ingénieur informaticien), qui continue sur sa lancée puisque son oeuvre est l’une des “ chaînes ” officielles d’Internet Explorer 4. Le résultat est payant: un seul livre vendu par semaine il y a deux ans, 60 aujourd’hui. “ Payant mais pas encore rentable ”, reconnaît le jeune employé. “ Pour l’instant, le site est popularisé par le bouche-à-oreille, et aussi par des liens de réciprocité avec le site du webdo. Il faudrait investir dans la publicité, mais c’est du ressort du directeur. ” Lequel directeur, M. Prippi, évoque des problèmes de capacité. “ Nous avons un budget très limité, et nous ne sommes pas sûr que notre système tiendrait le coup en cas de surfréquentation. En l’état, nous arrivons parfois à saturation. Pour vous donner une idée, M. Schwarz consacre deux heures par jour à répondre aux emails que nous recevons. Une stratégie internet plus agressive nous forcerait à investir lourdement dans du matériel et des services, ce que nous ne pouvons pas nous permettre à l’heure actuelle. ”
Sur le Net, lorsqu’on parle livres, on évoque invariablement le succès insolent d’Amazon.com, la plus grande librairie virtuelle. A tel point que le cyber-gourou Jakob Nielsen, dans une des ses récentes chroniques Alertbox, supplie les analystes et journalistes du monde entier de ne plus la citer comme un exemple mais plutôt comme une exception: “ Ils sont pratiquement les seuls à avoir compris la logique du commerce online ”.

chaussures
Bally fait partie des firmes qui voient internet d’un oeil bienveillant et intéressé. Madeleine Hermle, responsable de la publicité internationale, est elle-même une surfeuse aguerrie. “ Notre site sera bien plus qu’un catalogue. Son lancement est prévu au début de l’été, mais nous avons déjà une homepage qui donne le ton. ” Ne craint-elle pas que la vente de chaussures, un article qui demande par définition des essayages, ne soit impossible sur un écran de PC? “ Aux Etats-Unis, presque tous les fabricants de chaussures vendent online. Ça ne nous semble pas un problème majeur. Nous commencerons sans doute par proposer des accessoires, pour nous faire la main. ”
épicerie fine
Sur la région zurichoise, Le Shop est concurrencé par Gourmet Garage, une épicerie fine qui distribue ses 3’000 produits par le web. Corrine Fisher, assistante de marketing, est emballée: “ Nous croyons absolument à cette formule de vente de produits frais par internet. Nos livreurs apportent des légumes, des fruits, de la viande et du poisson aux internautes zurichois. Nous avons une rubrique Chuchichästli, qui dépanne les ménages avec de petits articles de cuisine et des épices. Nous nous servons du Net comme d’un outil de promotion. Le site peut être personnalisé pour chaque visiteur, moyennant l’entrée d’un mot de passe. A sa prochaine visite, on connaîtra déjà ses goûts. ”
Le site de Nestlé, dont nous avions salué le naissance dans le dernier numéro du Webdo, entend rester un prototype. Pour ses responsables, il n’est pas question de concurrencer les professionnels de la distribution.
couteaux suisses
Victorinox, dont on pourrait penser qu’il ferait fortune avec les internautes japonais, n’affiche sur son site que quelques timides photos. Pas de vente, ni de catalogue. Avec plus de 10’000 visiteurs depuis le début de l’année, c’est l’exemple même d’une occasion manquée. “ Nous préférons être représentés par nos revendeurs. Ils pourraient se vexer d’être doublés ” explique Urs Wyss, directeur du marketing.



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encadré spécial: tous les liens


www.migros.ch
www.coop.ch
www.le-shop.ch
www.fleurop.ch
www.florissimail.ch
www.imholz.ch
www.smart.com
www.planete-laser.com
www.bally.ch
www.reymond.ch
www.gourmet-garage.ch
www.vinace.ch
www.nestle.ch
www.manor.ch
www.pfister.ch
www.victorinox.ch
www.swissconnection.com
www.chocolat.ch/Rohr/
www.amazon.com
www.cdnow.com
www.netgrocer.com

www.useit.com
www.furrer.ch

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encadré: les dix commandements

les 10 commandements du commerçant
Un commerce online rentable, c’est avant tout une question de discipline. Avant de se plaindre du très faible ROI (retour d’investissement) de ce nouveau média, il convient de respecter ses règles intrinsèques.

1. Faites-vous votre propre idée du web. Ne croyez pas tout ce qui s’écrit. Surfez. (*)
2. Cernez ce qui fait la spécificité de ce média.
3. Explorez les sites de la concurrence. Relevez leurs qualités et leurs défauts.
4. Définissez une stratégie web, complémentaire et intégrée à votre communication.
5. Déléguez à un professionnel la conception même du site - votre neveu graphiste ne fait pas nécessairement l’affaire. Demandez plusieurs offres. La moins chère n’est pas forcément la meilleure. La plus chère non plus. Les charlatans abondent.
6. Insistez sur le référencement de votre site sur les 10 principaux moteurs de recherche. Demandez des preuves régulières.
7. Offrez un service ou un petit “ plus ” aux internautes. Gratuitement. Même s’il vous en coûte. C’est un investissement très utile à moyen terme: il fidélise.
8. Entretenez régulièrement votre site. Sur internet, rien de pire qu’une page qui dort.
9. Facilitez et accélérez les transactions. Le commerce électronique doit être plus souple, plus fluide et plus agréable pour l’utilisateur que le commerce “ physique ” - sinon, à quoi bon?
10. Demandez à vos visiteurs de laisser leur adresse email (après leur avoir offert le petit “ plus ”). Vous disposerez d’une liste de clients très ciblée.
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(*) Les principaux responsables (en marketing et informatique) contactés pour cette enquête avouent consacrer très peu de temps à explorer internet comme monsieur tout-le-monde (de 0 à 1 heure par semaine en moyenne). Ils tirent leurs connaissance du web d’autres médias, ce qui explique peut-être certaines prises de position tranchées.


Les 10 commandements de l’acheteur

1. Voyez grand. Les sites les plus fiables sont en général les plus imposants. Méfiez-vous des pages malfichues qui vous réclament votre numéro VISA dès votre arrivée.
2. Posez des questions avant d’acheter. Le temps que la réponse mettra pour vous parvenir vous donnera une idée des priorités de vos interlocuteurs. A partir de trois jours, abstenez-vous de tout achat.
3. Vérifiez la sécurité: au moment de rentrer votre numéro de carte de crédit, le cadenas de votre navigateur doit être en position fermée (transaction cryptée). Sinon, utilisez le fax.
4. Appréciez la qualité du service. Un site web devrait vous faire préférer un achat online à un achat réel.
5. Pour les achats à l’étranger qui peuvent attendre, vérifiez le cours des devises.
6. Groupez vos commandes. Vous réduirez très sensiblement les frais de port.
7. Vérifiez attentivement le récapitulatif mensuel de votre carte de crédit.
8. Interrogez la compagnie de crédit sur sa politique en cas d’abus.
9. Un colis vous arrive endommagé? N’hésitez pas à le retourner rapidement. Les compagnies de vente online tiennent à leur réputation.
10. Parlez de vos expériences autour de vous et sur le web - en particulier des mauvaises expériences. La solidarité des internautes est cruciale pour débusquer les aigrefins du Net.


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Encadré: à l’étranger

Trois mammouths étrangers

Les exemples étrangers ont connu des succès divers. La calamiteuse tentative “ Surf and buy ”, lancée pour les dernières fêtes de fin d’année par IBM et quelques géants commerciaux dont Décathlon, s’est fort logiquement soldée par un échec retentissant. A en croire les bilans lus dans la presse ici ou là, bien peu de journalistes ont été visiter ce site, dont la navigabilité et le ton auraient dissuadé même Imelda Marcos d’acheter une nouvelle paire d’escarpins.
La Redoute s’est essayée online depuis septembre 95, avec un fort joli site qui tient à la fois du catalogue et du tiroir-caisse. Le responsable maison du commerce électronique, Hervé Lenfant, est très enthousiaste malgré le peu de rentabilité du site: “ On estime qu’il sera pleinement rentable dans 4 ou 5 ans. En attendant, nous accumulons un savoir-faire considérable. Vendre sur internet, c’est un vrai métier. Nous présentons un magazine, nous informons nos clients sur la vie de l’entreprise, et nous réactualisons l’offre du site 5 fois par jour. Jusqu’à maintenant, la vitrine online présentait 400 articles. Depuis avril, nous montrons la totalité de notre collection prêt-à-porter, soit 4000 articles supplémentaires. Le coût du site? Cher. Mais c’est un investissement qui s’avérera payant lorsque ce mode d’achat sera pleinement rentré dans les moeurs. ”
Télémarket, une filiale des Galeries Lafayette, se lance ces jours sur la Grande Toile avec une solide expérience: 15 ans de vente par Minitel. Son premier objectif: arroser de victuailles la région parisienne avant de s’attaquer à l’Hexagone, puis aux DOM-TOM. Ses débuts ont connu quelques hoquets: prévue pour le 9 mars, l’ouverture du site a été peu à peu repoussée vers la fin du mois.
Aux Etats-Unis, NetGrocer est à l’épicerie online ce qu’Amazon est à la librairie. Superbe interface, produits de première nécessité, livraison ultrarapide: c’est la preuve que le commerce alimentaire peut se concevoir en VPC. L’expérience suisse romande Le Shop est directement inspirée de ce succès.

www.redoute.fr
www.telemarket.fr
www.netgrocer.com


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encadré: le payement

le facteur ou le crédit

Les Suisses sont prudents. A l’heure actuelle, ils préfèrent encore majoritairement régler leurs achats sur internet avec un bon vieux bulletin de versement - ou contre remboursement. Laisser leur numéro de carte de crédit sur un site les effraie encore passablement - une phobie que la presse excelle à alimenter, malgré un ralliement massif des grandes banques autour des nouveaux système de cryptage qui rendent les transactions virtuelles plus sûres qu’une visite à la banque.
De leur côté, les organismes de crédit savourent pleinement la puissance que leur confère leur activité d’intermédiaire: acheter sur internet sans carte de crédit va bientôt devenir impossible. “ Visa ou Eurocard, par exemple, ne prennent aucun risque ”, affirme Stéphane Martinez de Planète Laser. “ L’année passée, j’ai eu un gros problème avec des payements par cartes. Des numéros fictifs, que VISA et Eurocard ont pourtant avalisés, et qui se sont avérés faux. J’ai perdu 4 à 5000 francs dans l’histoire, sans que ces deux organismes n’acceptent de verser un centime. Vous signez leurs conditions ou vous renoncez au commerce online ”.

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Encadré: le référencement

des robots et des hommes

Vous voulez concurrencer un géant du commerce online à moindres frais? Prêtez une attention toute particulière à votre référencement dans les principaux moteurs de recherche du web. Il s’agit d’apparaître dans les premières pages de résultats.

Sur internet, vous n’êtes rien si vous n’êtes pas référencé dans les moteurs, les annuaires et les guides. Personne, à moins de connaître l’adresse de votre site, ne peut le trouver sans interroger l’une de ces bêtes de somme. Le souci du référencement est apparu avec l’adolescence du web commercial, qui est devenu plus inextricable qu’une forêt équatoriale. Toutes les recherches reposent sur des mots-clefs, qu’il importe donc de bien choisir et de bien placer. Chaque moteur de recherche fonctionne selon une certaine logique. Il y a bien sûr des trucs, mais annoncer son existence et son type d’activité à la communauté des internautes relève d’un parcours du combattant qu’il vaut mieux confier à des professionnels.

Dans ce domaine également, la Suisse traîne les pieds. Si vous cherchez “ swiss chocolate ” dans Infoseek, vous tombez sur swissconnection.com à la première page des résultats, en quatrième position (il y en a 193’343 autres). Swissconnection? Un site américain, basé en Floride, tenu par un Yankee amoureux des douceurs helvétiques. Mais vous ne tombez pas sur lindt.ch ou chocolat.ch, un site genevois méritoire qui abrite entre autres la boutique virtuelle du fameux Rohr, qui propose ses “ poubelles genevoises ” à la planète entière. Si le référencement avait été mieux fait, chocolat.ch viendrait en tête de liste sur Infoseek, Hotbot ou Altavista. Et Rohr vendrait ses poubelles en Floride.

“ Je vérifie constamment ma position sur les engins de recherche ”, confie Stéphane Martinez, de Planète Laser. “ Je confie mon référencement à des spécialistes, qui auscultent les moteurs et en connaissent les mécanismes. Si un client potentiel cherche les mots “ cd musique magasin ” sur Altavista, il me trouve en quatrième position. C’est primordial pour une affaire comme la mienne. 80% de mes CD partent à l’étranger, et en particulier aux USA. ”

comment ça marche?
Les moteurs de recherche sont souvent robotisés. Ils vont à la chasse aux mots-clefs, qu’ils extirpent des pages visibles ou de leurs en-têtes masqués. Il en est qui préfèrent recourir à la matière grise humaine (comme Yahoo ou Nomade, qui sont plus cohérents mais moins exhaustifs). Dans les deux cas, la soumission d’adresses est vivement encouragée: elle permet de remplumer rapidement le catalogue, sans obliger les robots ou les hommes à traquer les nouveaux sites.

www.submit-it.com
submit-hit.eurodiacom.com
www.1step.com
www.yahoo.fr
www.nomade.fr
www.hotbot.com
www.infoseek.com
www.altavista.com

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encadré

perspectives

Un rapport datant de janvier 98 de Zona Industries Research indique que sur 112 grandes compagnies commerciales nord-américaines, 79% utilisent internet à des fins de marketing simple, tandis que seuls 10% réalisent déjà des ventes online. Par contre, 44% sont déterminés à investir massivement dans la vente électronique au détail dans les deux prochaines années.