Les mégamarques du virtuel
ou
7 étoiles virtuelles rejoignent le firmament des marques


Dans le domaine des marques, Internet est atteint depuis quelques mois par une fébrilité ascensionnelle. Avec une augmentation moyenne du chiffre d’affaires de 40 à 50 pourcent par an, le top 50 des compagnies du web fait preuve d’une santé insolente. Real Networks, qui distribue plus de 500’000 copies par semaine de son logiciel de vidéo online RealPlayer, annonce un bond de 133%. Pendant la même période, Yahoo a augmenté son CA de 242%, 3Com de 140% et Netscape de 54%.
Au-delà de ces chiffres, qui ne traduisent l’état du marché qu’à court terme et de façon purement financière, il est un autre indice parlant qui révèle l’implantation des marques dans la vie quotidienne d’une société: leur notoriété.
Or, en matière de notoriété, 7 sociétés basées sur le web viennent d’accéder à la place très enviée de mégamarques, c’est-à-dire que leur popularité est telle qu’un adulte nord-américain sur quatre les identifie sans forcément les avoir “pratiquées”.
Jusqu’à aujourd’hui, il fallait plusieurs dizaines d’années à des marques comme Ford, Coca-Cola ou General Motors pour s’installer dans la mémoire collective. Or il n’a fallu que trois ans à Amazon.com ou Yahoo pour se percher au firmament des marques. Les cinq autres étoiles sont America Online, Netscape Communications, Infoseek, Excite et Priceline.com. Cette dernière vend des billets d’avion et des voitures online et a commandité cette étude de notoriété à Opinion Research Corporation International, ce qui explique peut-être sa place dans ce peloton de superstars.
Le premier constat, c’est que l’assise économique des sociétés n’est que très peu corrélée avec leur présence dans la mémoire des consommateurs: les quatre premières entreprises “web” classées par Fortune dans sa célèbre liste des Top 500 sont des inconnues du grand public. Cisco Systems (6,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires), 3Com (3 milliards), Bay Networks (2 milliards) et Cabletron Systems (1,4 milliard) ont un profil très discret. Alors que Yahoo (70 millions) ou Amazon (147 millions) sont parvenus à s’incruster dans le quotidien des internautes. Par nécessité, bien entendu, mais aussi de par la nature même de ce nouveau média qui atteint les gens au coeur de leur foyer. “Dans le passé, les produits concrets de McDonald et autres Coca-Cola conquéraient des parts de marché au fur et à mesure de leur dispersion dans l’espace”, suggère James Dettore, président du Brand Institute qui étudie l’identité des marques. “En s’affranchissant de la variable espace, les nouvelles sociétés gagnent du temps.” ll est vrai qu’il n’a fallu que 150 jours à Priceline.com pour se faire une place dans la mémoire de 62.5 millions d’adultes américains...
L’étude suggère que pour arriver à un tel degré de “reconnaissabilité”, ces compagnies ont excellé en offrant le meilleur produit, le meilleur prix ou le meilleur service adapté à ce nouveau vecteur de communication. Une offre doublée d’une stratégie marketing très ciblée - l’un des avantages du World Wide Web est d’offrir aux marchands la possibilité de pister le client lors de chacune de ses visites, de suivre son parcours, noter ses préférences et composer des pages sur mesure. “C’est le premier média qui permet de tester l’impact d’une offre ou d’une publicité en temps réel, et d’ajuster l’offre pour maximiser son efficacité. Internet nous donne le droit à l’erreur, et nous en tirons pleinement parti” nous confiait Jeff Bezos, directeur d’Amazon, lors d’un passage à Genève.
En offrant à ses abonnés une version prémâchée d’Internet, AOL incarne l’exemple même d’un service particulièrement adapté à la logique propre du web. Son succès - c’est la plus ancienne des mégamarques du web virtuelles - est en grande partie imputable à son PDG, Steve Case. Après avoir vendu des champooings, testé de nouvelles recettes pour Pizza Hut et compris au passage l’importance des mots “simplicité” et “disponibilité” dans les relations avec la clientèle, il fréquente aujourd’hui plus assidûment Wall Street que la Silicon Valley. Il a placardé le logo d’AOL sur tous les murs virtuels du web et taxe sans vergogne les annonceurs que ses 14.5 millions d’abonnés captifs intéressent au plus haut point. Pour asseoir encore davantage la notoriété de sa société, il mise depuis le printemps dernier sur les Web-TV et le câble. AOL qui revient de loin (on la croyait moribonde il y a un an) est en passe de crever tous les plafonds de popularité du cybermonde.

Pascal Montjovent
www.brandinstitute.com
www.agencevirtuelle.com

En Suisse
Les compagnies suisses ne jouent pas sur le même court que leurs consoeurs d’outre-atlantique. Un peu esseulée dans ce peloton de requins, Logitech annonce tout de même un CA de 390 millions de dollars pour 1997 - un chiffre en baisse de 6 % par rapport à l’année précédente. Lorsque l’on mentionne les réussites locales, l’Agence Virtuelle genevoise revient souvent dans les conversations. Si son chiffre d’affaires se cantonne “entre 1 et 10 millions de francs suisses”, il a augmenté de 105 % en une année. Spécialisée dans le “branding” (la promotion de marques) sur le web, cette société a été parmi les premières à proposer de tels services sous nos latitudes, et thésaurise sur cette expérience. “Lorsque j’ai démarré il y a trois ans, j’avais l’impression de parler chinois: personne ne comprenait ma démarche” se souvient son directeur, Stéphane Perino. “Depuis, nos clients ont découvert ces besoins. Notre mérite a été de les pressentir.”
Outre-Sarine, c’est Furrer & Partner qui fait office de superstar du web, avec une liste de clients longue comme le bras comprenant Smart, le Crédit Suisse ou les CFF. Son CA tourne autour des 10 millions de francs suisses, et le seul département Internet annonce fièrement un croissance de 50% en un an. Question chiffres, les firmes suisses jouent comme de coutume la discrétion. Alors que les boîtes nord-américaines publient leurs résultats online en grosses lettres rouges en face de la photo du PDG souriant, leurs consoeurs helvétiques n’affichent pas la moindre information sur l’histoire, les succès ou les biographies des membres de l’équipe fondatrice. Au téléphone, les directeurs les plus fringants commencent à balbutier dès que l’on parle sous. La comparaison au niveau international n’en devient que plus difficile.