1999: naissance de l'homo mobilis L’homme est un mammifère qui vit en troupeaux. La dernière preuve éclatante vient de la téléphonie mobile, qui unit d'innombrables tribus par un fil invisible dont elles ne peuvent plus se passer. Alors qu’une étude de marché de Bouygues Telecom datant de 1994 concluait que seul un tiers de Français étaient "éventuellement intéressé" par le concept du téléphone mobile, cinq ans plus tard la proportion s’est exactement inversée: deux-tiers des hexagonaux ont “craqué” pour un portable. Maintenant que l’appareil est bien installé dans les habitudes des consommateurs, il peut évoluer vers le couteau-suisse communicant, qui va bientôt intégrer un navigateur web, une microcaméra, un lecteur de code-barres, un écran de réception d’e-mails et d’information pré-triées, un lecteur MP3, un GPS, et accessoirement, un téléphone “intelligent”, qui filtrera les appels entrants et les renverra vers des postes fixes lorsque l’utilisateur passe à proximité. course aux gadgets Tout cela avait des petits airs de science fiction il y a un an, mais les géants des télécoms sont maintenant prêts à sortir leurs petites merveilles de la troisième génération (voir encadré). Paradoxalement, c’est de l’un des outsiders que provient la grosse surprise de la rentrée. Fondée par les inventeurs du désormais fameux Palm, Handspring vient de sortir Visor, une petite merveille polyvalente, compatible avec les Palm, synchronisable à merci avec PC et Mac, qui fait tout sauf la vaisselle. 3Com, qui a commercialisé le Palm, n’a pas senti le vent tourner et a boudé l’invention de ses poulains. Il s’en mord aujourd’hui les doigts - dans le marché explosif de la téléphonie mobile, le choix d’un mauvais standard ou une politique attentiste peut coûter très cher. 300 millions d’abonnés mobiles attendent au tournant. Bon nombre des prédiction des experts au cours des vingt dernières années ont fini à la poubelle (le visiophone) ou sur un parking (la montre-téléphone). Cette dernière tarde à démarrer en Europe et fait fureur au Japon simplement parce que notre standard GSM consomme plus d’énergie que le PDC japonais: les batteries plus grosses feraient ressembler votre montre à un Jumbolino. Aux limitations technologiques s’ajoutent les impossibilités physiologiques: il y a tout de même 17 bons centimètres entre l’oreille te la bouche d’une personne normalement constituée. Et les claviers sont forcément conçus à la mesure des doigts, ce qui empêche leur miniaturisation. D’après les prototypes de Nokia, les claviers vont finir par disparaître pour laisser place à un écran tactile couleur. En attendant, les fabricants tentent d’occuper tous les segments du marché. Les derniers-nés des produits sont des mobiles pour très jeunes enfants, comportant deux ou trois numéros importants, pour déranger Papa au bureau. tabous Reste qu’un grand tabou plane encore sur l’éventuelle nocivité des ondes émises par l’appareil. Personne n’ose avancer de chiffres, mais tous les soupçons sont permis. D’après Le Monde, certaines grandes entreprises des Etats-Unis, lorsqu’elles équipent leur personnel avec des mobiles, les obligent à se munir d’une oreillette pour éloigner l’appareil du cerveau et éviter les procès ultérieurs en cas de cancer. La prochaine génération de mobiles émettra des ondes moins puissantes. Ça n’est donc pas le moment de créer un psychose. L’ancienne objectif des lignes de téléphone, fixes et mobiles, opère donc une mutation en profondeur: le trafic de données remplace rapidement le transport de la voix. Les prestations à la carte des “réseaux intelligents”, taillées sur mesure pour chaque utilisateur, sont beaucoup plus rentables que la simple transmission de la voix. Rentables, sans doute. Mais nécessaires? Les applications du portable de demain devront apporter la preuve de leur utilité, car le public ne semble pas spontanément demandeur de services nouveaux. A l’heure actuelle, on évalue en France à deux pourcent le nombre d’utilisateurs qui recourent aux SMS (messages courts sous forme de texte) et autres informations non vocales de leur téléphone mobile. Si la mayonnaise prend, attendez-vous à ce que votre mobile se métamorphose en une sorte de centrale de communications personnelles, compacte et aussi indispensable que votre portemonnaie, vos cartes de crédit ou vos clefs. A terme, ils deviendront votre portemonnaie, vos cartes de crédit et vos clefs. encadré générations Nous sommes à l’aube de la troisième génération de portables. Ceux de la première vague ressemblaient davantage à des attaché-case qu’à un téléphone. Ils étaient analogiques et pesaient un quintal. La seconde génération est née avec l’avènement du digital, qui a permi de superposer à la voix diverses informations, comme l’identification de l’appelant. Les SMS sont aussi nés dans cette famille. Deux problèmes: la vitesse de transmission des données est extraordinairement lente. A 9600 Bps, votre cellulaire dernier cri court à la vitesse du plus jurassique des modems. Et les quatre standards GSM, Digital-AMPS, CDMA et PDC, qui sont bien évidemment incompatibles. La troisième génération (baptisée 3G par les connaisseurs) est le résultat très prochain d’une fusion de la téléphonie et d’internet. La vitesse de transmission crève le plafond (jusqu’à 2 Mbs) et donne des idées aux concepteurs de nouveaux produits. A ce compte, vous pourrez jouer en réseau ou tenir des vidéoconférences avec votre famille. PM encadré Geneva Now Telecom 99 sera le terrain d’une expérience novatrice qui pourrait faire tache d’huile. Les visiteurs vont pouvoir goûter au WAP en surfant avec leurs mobiles sur le réseau spécialement mis en place pour l’occasion. Conçu comme une sorte de “guide de survie” à Genève, il listera les restos, les cinémas, les pharmacies de garde, les bons tuyaux du jour et les actualités genevoises sous forme concise. Fruit du partenariat entre Nokia, Robert Hensler (l’initiateur du projet à l’Etat de Genève) et la Tribune de Genève, ce service sera gratuit et s’arrêtera à la fin de Telecom. Encore faut-il que deux conditions soient remplies: pour capter Geneva Now, vous devez avoir un téléphone compatible WAP, et espérer que le réseau Swisscom encaissera le coup. Si l’on en juge par la concentration de cellulaires simples au mètre carré à Palexpo, il y a fort à parier que les WAP, qui utilisent quatre lignes simultanément, seront réduits au mutisme. En dehors du Palexpo, l’horloge fleurie et le jet d’eau seront sans doute les meilleurs points d’observation pour voir des messieurs en costumes trois-pièces sombres, dûment accrédités Telecom 99, danser le WAP avec leurs collègues chinois ou mozambiquais. PM encadré stats La croissance des mobiles relève presque de l’hystérie. A l’heure actuelle, le Japon, la Chine, l’Italie, la Grande Bretagne et l’Allemagne figurent dans le peloton de tête. A eux seuls, ils génèrent le tiers du chiffre d’affaires des opérateurs. L’Union Internationale des Telecommunications prévoit que le cap du milliard d’abonnées sera franchi en 2005. A l’heure actuelle, les statistiques UIT mondiales sont très étonnantes: en Suisse, qui figure pourtant dans le peloton de tête des mieux connectés, seules 6 personnes sur 10 ont accès au téléphone. C’est mieux qu’au Mali (1 personne sur 400), mais moins bien qu’aux Bermudes (8 sur 10). La moyenne européenne est faible: 37 pourcent. La moyenne mondiale est affligeante: 14 pourcent. PM Pascal Montjovent retour au sommaire