Cet article fait partie d'une collection d'enquêtes/interviews/chroniques de Pascal Montjovent parues dans divers médias et réunies ici suite à une demande "populaire".
Le sommaire se trouve ici: sommaire.

 

WAP: infos et intox du web portable

Tribune de Genève , septembre 99

Vous alliez vous mettre au web? Laissez tomber, c'est déjà ringard. Le futur est au wap, pour Wireless Application Protocol. Et wireless, ça veut dire sans fil. Une façon pratique d'emporter internet avec soi, sur son téléphone mobile. Jusqu'à maintenant, quelques appareils comme le célébrissime Palm pouvaient "surfer" sur le web, mais l'opération tenait davantage du contorsionnisme que de la haute technologie: les pages du web font misérables une fois lues sur un mini-écran en cristaux liquides.

Avec wap, résumait récemment Richard Mercille de Digital Territories aux derniers Rendez-vous du Tout Numérique de Genève, "on passe des paquets d'informations aux objets intelligents, de la portabilité de l'info à l'ubiquité de l'info". Il ajoutait, emporté par son élan, "on a une scalabilité depuis l'entreprise jusqu'au device". Dans le domaine des nouvelles technologies, le jargon franglais brouille un tableau déjà passablement compliqué, ce qui creuse encore un peu plus le fossé entre les geeks, ces technophiles un poil autistes, et le grand public des utilisateurs.

faux progrès, vrais problèmes

Certaines technologies ont l'air tellement évidentes que leur apparition ne fait pas de vagues. Or, quoi de plus normal que de recevoir et envoyer des informations sous forme de texte depuis son téléphone mobile? Choisir un restaurant, y réserver votre table, consulter le programme des cinémas, la météo à cinq jours, le cours de vos actions Nokia ou l'état du trafic routier pourrait devenir aussi naturel qu'ouvrir votre Julie. A une condition: que les services rendus par le système compensent les inconvénients de la manipulation d'un minuscule clavier. N'oublions pas que le Télétexte ou les SMS, ces messages courts que les inités s'envoient entre téléphones mobiles, n'ont jamais rencontré un succès fulgurant. Ceux qui ont tenté d'écrire un SMS à l'aide de leur clavier de téléphone, cliquant et pestant contre ces touches microscopiques, ont fait l'expérience de l'inadéquation entre un nouveau média (les SMS) et un fossile technologique (les touches du téléphone).
Avant de s'enflammer pour le wap, ses concepteurs et apôtres seraient donc bien inspirés de se mettre à la place des utilisateurs, en concevant des appareils et des logiciels ergonomiques et standardisés.

les mammouths au rendez-vous

C'est chose partiellement faite puisque l'un des impératifs de ce nouveau système était son adoption par les plus grands acteurs des télécoms de la planète, en séparant clairement les information de ce qui les transporte. Ainsi libérées de leur support, lesdites informations peuvent circuler sans entraves, quelle que soit la marque de l'appareil, les logiciels qu'il utilise ou le système de transmission. Depuis novembre 1995, Oracle, Unisys, AT&T, Alcatel, Ericsson, Nokia, Motorola, Philips, Samsung, Sony, Toshiba, Philips, IBM, France Telecom et une cinquantaine d'autres "huiles" des technologies de l'information ont uni leurs forces pour viabiliser le projet. Swisscom est de la partie. A l'heure actuelle, 95% des mammouths sont entrés dans la danse du wap.
Paradoxe révélateur: les fournisseurs de contenu, c'est-à-dire des informations qui intéressent l'homme de la rue, ne représentent qu'un pourcent de cet aréopage de vedettes internationales.

micronavigateurs

Pour passer du web au wap, il a fallu réduire l'encombrement des informations. Avec ses 2 kilobytes, une page wap (une "carte") est ainsi en moyenne 20 à 50 fois plus légère qu'une page web. Le micronavigateur des téléphones wap-compatibles ne peut afficher que quelques lignes à la fois, et la navigation s'effectue en passant d'une carte à l'autre selon la bonne vieille logique des menus traditionnels. Techniquement, il est possible de localiser géographiquement n'importe quel usager de téléphone mobile, ce qui rend les infos wap plus pertinentes: si vous cherchez un restaurant ouvert, votre mobile vous proposera en priorité ceux qui se trouvent à proximité. Votre sphère privée y laissera quelques plumes, mais le système risque d'intéresser les PME, qui pourront par exemple cibler leur pub dans un rayon de 3 kilomètres. Le Grand Capital aura sans doute raison des consommateurs offusqués.

prémices

Les téléphones mobiles compatibles wap commencent à pointer le bout de leurs antennes. Ils ressemblent à leurs ancêtres mais semblent mieux conçus pour la navigation "au pouce". Chez Nokia, le 7110 sortira en Suisse en novembre. Chez Ericsson, le R380 est annoncé aux mêmes dates, juste à temps pour les fêtes de fin d'année. Le prochain siècle sera wap ou ne sera pas.

Pascal Montjovent

http://www.phone.com
http://www.wapforum.org

si vous voulez me contacter, cliquez ici

retour au sommaire